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Bonjour, bonjour, aujourd’hui on va parler d’un sujet tout léger, le perroquet ! Oui, bon c’est vrai, le perroquet, en général, il est plutôt du genre dodu, surtout celui de ma mère qui ressemble plus à un chapon de Noël qu’à un oiseau-mouche… Il s’appelle Coco, comme tous les volatiles qu’elle a recueilli tout au long de sa vie, ma mère n’ayant pas beaucoup d’imagination en matière de prénom… La preuve, je m’appelle Cécile alors que j’aurais quand même préféré m’appeler Bérénice (ah, j’en vois quelques-uns qui sourient…)
Donc… Coco…
En Martinique vivaient trois espèces de perroquets, il y en avait même dans toutes les forêts… mais ça c’était avant que les européens n’arrivent… Il s’agissait d’oiseaux endémiques, mais il n’y en a plus un seul spécimen sur l’ile, ils ont disparu à jamais de la surface de la terre. L’ara de Martinique, l’Ara violet et le perroquet de Martinique ne sont plus que de lointains souvenirs, et encore, vraiment que pour les très très vieux d’entre nous. Aujourd’hui, on peut en voir quelques-uns voleter dans les arbres près de Didier, mais ce ne sont que des volatiles échappés d’une cage. Encore un coup de Pierre Perret ça !
On a pu retrouver quelques écrits du célèbre Père Labat qui évoque en ces termes le perroquet de l’époque :
« Des trois perroquets que j’avais achetés, il y en avait un de la Guadeloupe, les deux autres étaient de la Dominique. La grosseur de celui de la Guadeloupe me faisait croire qu’il était vieux et qu’il n’apprendrait jamais. Il ne faisait que criailler, et comme il avait la voix extrêmement forte, il me rompait les oreilles; cela m’obligea de le faire tuer, mais je m’en repentis presque aussitôt ; quelques-uns de mes paroissiens, étant venus chez moi pendant que mon nègre le plumait, m’assurèrent qu’il était tout jeune, et que ses cris étaient ce qu’on appelle cancaner en langage des î1es, qu’il aurait appris à parler en peu de temps et aurait surpassé les autres. Comme le mal était sans remède, je le fis mettre en daube la viande en était très bonne, délicate et succulente.
Je mis les deux autres qui me restaient en pension chez une de mes paroissiennes, c’est ce que je pouvais faire de mieux pour leur apprendre à parler. On sait que les femmes ont le don de la parole, et qu’elles aiment à s’en servir : en effet, quoique mes perroquets fussent vieux, ils étaient en une si bonne école qu’ils apprirent en perfection, surtout le mâle, car la femelle ne voulut jamais parler qu’après la mort de son mari. Je les avais gardés près de quatre ans, quand le mâle fut écrasé par le contrevent d’une fenêtre. Ils étaient si privés que, quoiqu’ils eussent toutes leurs ailes, et qu’ils volassent partout jusque dans les bois, je n’avais qu’à siffler pour les faire revenir. »
Ah c’était pas un rigolo le Père Labat hein !
Alors oui, on mangeait du perroquet à cette époque, et il était facile d’en flinguer quelques-uns tout simplement parce qu’ils étaient facilement repérables : Coco a un défaut, il est très bruyant … Du Tertre, un botaniste français du XVIIème siècle expliquait :
« Il a le port grave et assuré, et tant s’en faut qu’il s’étonne pour plusieurs coups de fusil sur l’arbre où il est branché ; qu’au contraire il regarde et conduit de l’œil ses compagnons, qui tombent morts à terre, sans s’en ébranler aucunement ; si bien qu’on en tire quelquefois cinq ou six sur le même arbre, sans qu’ils fassent mine de s’envoler. »
On pourrait croire qu’il est un peu couillon le Coco, pourtant, il peut faire preuve de beaucoup d’intelligence, si on lui apprend deux trois ficelles. Je vous en parlerais plus loin….
A l’époque, le perroquet était aussi capturé vivant, et servait d’animal de compagnie. Il était de bon ton d’avoir un perroquet dans son salon, qui amusait beaucoup la galerie de par sa faculté à parler et à tournicoter dans sa cage.
Le Père Labat, encore lui, explique que pour les capturer, les Caraïbes allaient chercher les petits dans leur nid. Pour attraper des oiseaux plus grands, « ils observent sur le soir les arbres où il s’en perche le plus grand nombre, et quand la nuit est venue, ils portent aux environs de l’arbre des charbons allumés, sur lesquels ils mettent de la gomme avec du piment vert, cela fait une fumée épaisse qui étourdit de telle sorte ces pauvres oiseaux qu’ils tombent à terre comme s’ils étaient ivres ou à demi-morts. Ils les prennent alors, leur lient les pieds et les ailes, et les font revenir en leur jetant de l’eau sur la tête. Quand les arbres sont trop hauts pour que la fumée puisse y arriver et faire l’effet qu’ils prétendent, ils accommodent des couis au bout de quelques grands roseaux ou de quelques perches, ils y mettent du feu, de la gomme et du piment, ils les approchent le plus qu’ils peuvent des oiseaux et les enivrent encore plus facilement… Pour les apprivoiser et les rendre traitables, ils ne font que les laisser jeûner pendant quelque temps : et quand ils jugent qu’ils ont faim, ils leur présentent à manger ; s’ils mordent et qu’ils se montrent trop revêches, ils leur soufflent la fumée du tabac au bec, ce qui les étourdit de telle manière qu’ils oublient presque aussitôt leur naturel sauvage ; ils s’accoutument à voir les hommes, à s’en laisser toucher, et deviennent en peu de temps tout à fait privés, ils leur apprennent même à parler. »
Ingénieux, non ?
Mais alors, savez-vous comment Coco parle ? En fait, il ne parle pas vraiment, il imite. Le perroquet de ma mère, par exemple, imite très bien mon père lorsqu’il appelle le chien de la maison. Impossible de faire la différence entre le « Pépitaaa » de mon papa et le « Pépitaaaa » du volatile. Idem, lorsque Coco m’insulte (ben oui ma mère lui a appris pas mal d’insanités en tout genre), j’ai vraiment l’impression d’entendre ma chère moman. Sa faculté à émettre des sons qui se rapprochent autant de la voix humaine, ou des autres animaux environnants est un mystère. Ce que l’on sait, c’est qu’il ne possède pas de cordes vocales, c’est la plasticité de ses organes de vocalise lui permet d’articuler des mots voire des phrases.
Du coup, on ne peut pas dire qu’il maîtrise le langage mais il fait des liens entre ce qu’il perçoit et ce qu’il dit. Pépita aboie, la caravane passe et Coco gueule… Je passe à côté de lui, il s’écrit « cacahuète » je lui dis « non », il me répond « connasse ». Normal ! (Et c’est véridique !) Quand je pense que le marquis de Viéville s’est fait guillotiné à la révolution, lui, sa famille et ses domestiques, parce que le perroquet de la maison avait crié « Vive le roi ! ». Coco, tu vas finir en perroquet boucané si tu continues à me chercher ! Non parce qu’un perroquet, ça vit 50 ans, d’ici à ce que j’en hérite !
Cela dit, il est quand même sacrément intelligent, le piaf ! Les oiseaux ont un cerveau, ça c’est évident, mais le perroquet possède des noyaux pédonculopontins (l’équivalent du néocortex chez le mammifère), qui lui permettent de faire des liens et de comprendre certaines situations. Il faut dire que les noyaux de Coco sont quand même 5 fois plus gros que celui du poulet (vivant hein, pas le boucané du marché).
Un célèbre perroquet, appartenant à une scientifique nommée Pepperberg, disposait d’un niveau de compréhension d’un enfant de 5 ans. Il comprenait certaines consignes du genre « plus petit », « plus grand », « pareil » « différent de » et même la notion du « zéro »… Il disposait d’un vocabulaire riche de 150 mots environ et savait reconnaitre 7 couleurs différentes. Un petit génie ! Bon, allait avait quand même mis 30 ans pour lui apprendre tout ça !
Ce qu’il faut retenir de tout ça, c’est qu’il est bien dommage de ne plus voir de perroquets voler dans notre ciel. Ben oui, au fil du temps, ils ont disparu de l’ile. L’introduction de la mangouste par l’homme y est pour beaucoup puisque cette bestiole a dévasté bon nombre de nids. Les chats ont poursuivi le massacre, et il y a énormément de matous en Martinique. Encore une espèce qui a disparu à cause de l’homme, à croire que nous sommes le plus gros virus que la terre ait porté…
  

Morale de l’histoire, qui n’est pas de moi, mais de Sébastien Roch Nicolas de Chamfort : « si les singes avaient le talent des perroquets, on en ferait volontiers des ministres… »
Pfff c’est nul ça ne rime pas… allez on recommence :
Si les singes avaient le talent des perroquets, on en ferait volontiers des ministres emplumés… ah ben voila c’est mieux…
A demain les bulleux, prenez soin de vous !

 

Photo AZMartinique
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