[divide]

Aujourd’hui, retour sur l’ile, et plus particulièrement dans le jardin créole. Mais qu’est ce que donc qu’un jardin créole ?
Antan lontan, à l’époque des kalinagos (c’était l’équipe rouge si je me souviens bien…), les villageois avaient tous un jardin où poussaient patates douces, choux caraïbes, manioc, giraumons, de quoi nourrir toute la famille. Dans les jardins, on trouvait aussi des plantes médicinales, et il y en a beaucoup sur nos îles ! Les fruits quant à eux se trouvaient dans la campagne et les forêts environnantes.
Pendant la sombre période de l’esclavage, le maitre avait un devoir, celui de nourrir ses esclaves, bon, il avait aussi le droit de détourner un tout petit peu les choses en leur refilant un lopin de terre en guise de nourriture plutôt qu’un steak, ou juste une banane. Donc, dans « sa graaaande bonté », il leur permettait de cultiver un lopin de terre pour faire pousser quelques légumes racine pour se nourrir. Non parce que les steaks, ça pousse pas dans les jardins, c’est comme le Kiri.
Les esclaves ont su mettre à profit leur savoir ancestral pour faire pousser et utiliser des légumes, certes, mais aussi des plantes médicinales que l’on retrouve encore aujourd’hui dans les jardins créoles des particuliers.
Certaines plantes étaient utilisées autrement qu’à des fins médicinales d’ailleurs. Par exemple, le mimosa Pudica ou Mamzell Marie, herbe très répandue ici, a certes des vertus thérapeutiques (elle soigne les maux de gorge) mais permettait aussi aux hommes de veiller à ce que leur femme ne profite pas de leur absence pour recevoir leur amant dans la case familiale. Cette plante a pour caractéristique de mettre à peine 8 centièmes de seconde pour se replier. Elle modifie la pression interne de ses feuilles pour les refermer, la cellule stimulée chasse l’eau, engendrant le repli. Si quelqu’un marche sur cette plante, elle changera d’aspect et il lui faudra environs 20 minutes pour reprendre une apparence normale. Plantée tout autour de la case, elle permettait donc au mari de savoir si quelqu’un était entré dans la maison en son absence… L’homme a ainsi détourné la fonction première de Mamzell Marie, qui, à l’origine ne replie ses feuilles que pour ressembler à une plante morte, les herbivores préférant brouter des herbes en pleine forme !
Le Zamana, arbre que l’on trouvait dans les habitations, mais pas forcément dans les jardins créoles, avait et a toujours, lui aussi, la faculté de replier ses feuilles de manière assez particulière. En effet, cet arbre énorme, dont la superficie peut atteindre un hectare, a recourt à ce stratagème pour laisser passer l’eau de pluie jusqu’à ses racines. Une fois le beau temps revenu, les feuilles se déploient à nouveau pour abriter à nouveau le sol et les plantations des rayons du soleil, tout en laissant la terre fraiche et humide. Les caféiers, généralement plantés sous les zamanas, profitaient donc de la pluie et de la fraicheur de cet arbre.
A l’abolition, les jardins dits créoles ont fait leur apparition loin des habitations des maîtres, sur des terrains qui n’intéressaient pas ces derniers. Ils étaient souvent situés dans des endroits escarpés, difficiles d’accès, et la terre n’y était pas forcément très fertile. Mais l’antillais connait bien sa terre et est courageux, il a réussi à faire pousser légumes, plantes et fruits dans des conditions souvent très difficiles.
Aujourd’hui, de nombreux martiniquais cultivent encore leurs légumes dans leur jardin, on y trouve du manioc, des patates douces, des dachines. En fait, beaucoup de ce qu’on appelle les légumes racines, un peu moins de légumes tout court. Quelques plans de salades, qu’il faut manger alors qu’ils sont encore très jeunes, sinon, la laitue ressemble vite à un baobab indigeste, des tomates, qui n’ont de tomates que le nom, trop chargées en humidité, elles n’ont pas beaucoup de gout, des concombres, du giromon et quelques courgettes… Ah oui, des espèces d’épinards, qui, à mon sens, sont immangeables crus, mais je suis peut être tombée sur un mauvais plan…. Ah, Eric me dit que qu’il ne s’agissait peut être pas d’épinards, c’est vrai ça, en y repensant les épinards n’ont jamais eu la particularité de déclencher l’hilarité chez moi, et encore moins de permettre aux éléphants bleus de grimper aux murs…. La prochaine fois que Jeff me propose des herbes locales, faut que je lui demande comment les préparer… fallait peut être les fumer ces drôles d’épinards…
Bref, dans les jardins créoles, on trouve aussi aussi des bananes, des goyaves (prononcer goayave hein sous peine de regards sombres de notre mamie Nini locale !), des maracujas (mouai, mais ça attire les rats dit toujours mamie Nini), bref, de quoi se remplir le ventre sans trop dépenser. Toujours pas de steack ni d’arbre à Kiri, mais tant pis, on y élève des poules, un ou deux coqs, et, à l’occasion, un cabri, le tout à l’ombre d’un arbre à pain. Ne vous attendez pas à y trouver des baguettes au levain, mais de gros fruits de la taille d’un ballon de foot, qu’on utilise un peu comme des pommes de terre.
Dans ces jardins, on trouve aussi une grande variété de plantes déjà présentes du temps des amérindiens ou apportées avec la colonisation par les européens ou les africains. Si les ancêtres vivaient en parfaite symbiose avec la nature, il en est resté quelque chose à notre époque. Les rimed razié (remède pris dans la nature, à base de plantes donc) en sont la preuve.
Je n’y connais pas grand-chose en matière de plantes médicinales, mais je peux vous dire que chaque jardin possède en général un plan d’Atoumo, qui soigne tous les maux, un peu d’Efferalgan et le Doliprane, très utiles en cas de migraine, un Aloé Véra, pour les problèmes de peau. La brisée est aussi très répandue, on en fait des tisanes qui soignent les états grippaux, des Zeb Mal Têt, pour… les maux de tête. On a tous aussi du bois d’inde, sont l’huile est parfaite pour les massages, le gros thym, qui n’a rien à voir avec le thym de la garrigue et qui un anti inflammatoire, antibactérien, anti fongique…
Toutes ces plantes, et bien d’autres, sont donc très connues ici en Martinique. Modernisation oblige, on les trouve aussi en pharmacie, sous forme de gélules ou de sirop. Je me souviens d’avoir acheté un mystérieux médicament, le Virapic, suivant les conseils de mon pharmacien alors que je lui demandais un remède un peu costaud pour soigner un gros rhume… Ah ça je m’en souviendrais toute ma vie du Virapic !
Ingrédients du médoc en question, essentiellement des Zeb a Pic… alors là, t’imagines le quimboiseur -c’est celui qui lance des sortilèges ici- à la recherche de l’herbe qui pousse uniquement sur le versant ouest de la montagne pelée, un soir de pleine lune, avec les loups qui hurlent à la mort derrière, les ours et le yéti prêts à faire la peau du vieux qui récite des incantations, tout en mangeant de la bile d’éléphant et en buvant du crapaud… ou le contraire… Il est obligé de couper l’herbe avec ses dents toutes pourries, de les mâcher pour en extraire le jus qu’il recrache dans une fiole récupérée dans un cercueil de vautour faisandé de Martinique…
Bref, Ok pour l’extrait de Zeb a pik… Mais ce n’est pas tout, dans le Virapik il y a aussi du :
– Sirop de canne à sucre (mmmm miam !)
– de l’eau (oui pourquoi pas, je vois pas trop l’intérêt mais bon…)
– de l’alcool de canne à sucre (du rhum quoi… et je vous rappelle que c’est le pharmacien qui me l’a donné)
Bon, le pharmacien il m’a dit : pas plus de deux cuillerées à café par jour, pani pwoblem, on ne va pas abuser des bonnes choses !
Dès la première dose, je me suis dit que non, fallait vraiment pas abuser de cette… chose… J’ai donc demandé plus de précisions à notre moniteur de l’époque, jeune martiniquais ayant grandi ici, sur l’ile…
« Dis moi, toi qui es d’ici, tu connais le Virapic ? »
« Ah oui mes parents m’en donnaient dès que j’étais un peu malade quand j’étais petit. Ça a un goût dégueulasse, on dirait du vomi de chenille. En fait, les chenilles adorent la zeb a pik (principal ingrédient du médoc donc), et, le truc, c’est de broyer les chenilles avec l’herbe, c’est comme ça que c’est efficace ! »
Bon, si des terroristes tombent sur la recette on est mal et, depuis ce jour, je ne peux même plus léguer mon corps à la science…
Je vous laisse les amis bulleux, je vais grimper sur mon cocotier pour cueillir une noix de coco pour le blanc manger de ce soir… nan hein, c’est plus de mon âge, je vais ouvrir une boite de jus de coco de chez Bacchus (le sourire en plus, j’insiste !), c’est plus prudent, j’ai survécu au Virapic, j’ai grillé un Joker !

Morale de l’histoire :
Mal à la gorge et petit rhume tu as…
Virapic te soignera…
Juste 1 cuillère à café 2 fois par jour tu boiras…
Et ton pharmacien tu remercieras…
Parce que plus mal à la gorge tu auras…
Virapic j’ai bu…
Plus de rhume j’ai eu…
Plus d’estomac, plus de glotte non plus….
Même mes intestins ont fondu…
Je pense que ce jour là, j’ai failli mourru…

[divide]