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Aujourd’hui, sortons la tête de l’eau et allons à la rencontre d’une bestiole que vous avez certainement tous croisé sur les routes de Martinique, le manicou ou mannikou en créole.
Le manicou donc, charmante bébête de la famille des opussums, comme les kangourous, les koalas… tous ces beaux animaux qui vont rêver petits et grands. Bon, le manicou, il est moins glamour, c’est vrai. Il ressemble… hum… à un gros rat dodu, de la grosseur d’un chat, ses yeux sont globuleux, sa queue est fine et pelée et peut atteindre 50 cm de long donc aussi longue que son corps, et il possède une cinquantaine de dents acérées. Allez hop, tous les phobiques des souris et autres rats d’égout, tout le monde sur les chaises, la bébête immonde arrive ! Pfiouuuu ça va être compliqué de pianoter sur le clavier en étant debout sur la table (ben quoi, j’aime pas les souris et les rats, encore moins les manicous !)
Bon, voila le portrait de Jacquou le manicou…
Donc Jacquou vit sur notre île, souvent dans les forêts mais on peut aussi le croiser en ville, près d’un tas de déchet particulièrement. Il est solitaire, c’est un rustre qui passe ses journées à roupiller et qui sort la nuit pour se nourrir. Son régime alimentaire est simple, il mange des insectes, des verts, des fruits, des lézards, et vient visiter vos poubelles quand l’envie lui prend de se faire une grosse bouffe.
Les aïeuls de Jacquou seraient originaires d’Amérique du sud et auraient profité de radeaux de végétaux pour envahir les îles de Trinidad, Tobago, puis les Grenadines et Sainte Lucie pour enfin s’installer chez nous en Martinique. Quelques-uns ont continué jusqu’à la Dominique mais aucune trace de Jacquou en Guadeloupe. Pfiouuuu, moi je vois un radeau de bambou arriver sur la plage de Sainte Luce avec une famille de Jacquou dessus, je grimpe au premier cocotier et y reste pour l’éternité.
Côté cœur, le Jacquou va pécho sa louloute pour assurer sa descendance. Après moins de 15 jours de gestation, la femelle donnera naissance à des larves (promis, demain je vous parle d’un truc plus glamour…) qui iront rejoindre une poche abdominale, appelée marsupium, afin de se développer tranquillement. En 60 à 70 jours, accrochés à une mamelle de leur maman et toujours à l’abri dans sa poche, ils passeront de l’état de larve de 0,2 gramme à de beaux bébés manicous de… 50 grammes… S’il est beaucoup plus moche que son cousin le kangourou, il y a quand même de sacrée ressemblance en terme de gestation.
Les marmots iront ensuite rejoindre un petit nid rudimentaire fait de feuilles et de branches et, quinze jours plus tard, la maman les mettra dehors parce que bon, hein, ils sont assez grands pour se débrouiller seuls.
Pour résumer, en trois mois les bébés manicous sont conçus, nourris, élevés et hop, dehors les romanos, allez bosser. Il faut dire que l’espérance de vie de la bestiole est de deux ans et demi, faut pas perdre de temps, hors de question de glandouiller chez maman en attendant qu’elle rentre des courses et prépare le repas.
En parlant de bouffe, il fut un temps où les martiniquais les mangeaient. Je ne sais pas quel goût ça peut avoir mais je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un qui se serait régalé d’un bon colombo de manicou. Ça ne donne pas franchement envie. Depuis 1989 il fait d’ailleurs partie des espèces protégées, donc, à priori, peu de chance dans trouver sur les étals des marchés ou au Mac Do du Marin. La plus grande cause de mortalité chez les manicous est pourtant l’homme puisqu’ils sont nombreux à finir leurs jours écrasés sous les roues des voitures, éblouis pas les feux de ces dernières.
Alors voilà, si d’aventure vous croisez un manicou, il aura certainement plus peur que vous (enfin, si vous êtes normalement constitué, moi je ne fais pas partie de ces personnes-là !). S’il a vraiment la trouille vous sentirez peut être une vilaine odeur de poulpe mort avant même de le voir, en effet, lorsqu’il panique, il émet un doux parfum de mollusque crevé ou de maroilles avarié, au choix…. Et si vraiment il s’affole, PAF il va faire le mort, étendu sur le côté, les yeux clos et la langue pendante… Rhaaaa…. Bon il ne fait pas exprès de se faire passer pour un macchabée, c’est juste qu’il syncope quand il a peur. Du coup, si vous en croisez un à moitié crevé, ne tentez pas le bouche à bouche, c’est un coup à finir en réa ou à propager un virus à la con sur toute la planète.
Voilà donc l’histoire de Jacquou le manicou, si vous n’avez pas de nouvelles de moi demain, appelez les secours, c’est que je suis toujours coincée sur la table, j’ai pas de Kiri en rab, je vais peut être pas survivre longtemps… je ne peux pas descendre pour le moment, je suis sûre qu’il y a un Jacquou qui traine dans le coin, ça sent fort le rat mort depuis ce matin ici… A moins que ce ne soit l’odeur de mes baskets qui pourrissent sur la terrasse… Bon, pas de risques inconsidérés, j’envoie Eric en reconnaissance…
Morale de l’histoire :
Y’en a pas, je trouve pas de rime qui aille avec manicou, à part caribou…
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