Aujourd’hui, petit texte sur un tout petit poisson, la « marionnette à tête d’or » ou « marionnette à tête jaune » ou encore « Opistognathus Aurifrons » pour les puristes.

Guignolette, la marionnette, vit dans nos mers chaudes, entre 3 et 40 mètres de profondeur, quasiment exclusivement au fond de l’eau. Elle peut vivre jusqu’à 5 ans, mesure environ 10 cm de long à l’âge adulte et pèse moins de 100 grammes, une gringalette !

Sa bouche est démesurée par rapport à son corps, c’est sans doute pour cela que les poissons de la famille des opistognathidés ont un surnom qui leur va bien : poissons « tout-en-gueule ». En revanche, comme son nom ne l’indique pas, la marionnette à tête jaune n’a pas la tête toute jaune, mais seulement quelques marques autour de sa bouche et de ses yeux. Elle ressemble un peu à E.T mais ne fait pas de vélo, enfin du moins pas que je sache.

A l’aide de sa grande gueule, la marionnette va creuser un tunnel dans le sable, d’une quinzaine de centimètres de profondeur, et se fabriquer une petite chambre tout au fond. Un petit studio tout confort avec vue panoramique sur le jardin tropical. De quoi faire rêver tous les terriens confinés dans leur appartement sans balcon.

Le gite de Guignolette sera consolidé de petits cailloux, de coquilles ou de débris coralliens. Elle y entre à reculons, la queue en premier et passe sa journée à entrer et sortir sa tête, montant et descendant de manière régulière, comme une marionnette quoi ! Ce poisson est assez craintif, si vous souhaitez vraiment voir son petit manège en jouant les voyeurs, installez une caméra au sol, devant son terrier et planquez-vous un peu plus loin. Vous pourrez alors la voir entrer et sortir, cracher un peu de sable, retourner au fond de son terrier, ressortir, puis partir à la recherche d’un petit caillou, entrer à nouveau pour revenir quelques instants plus tard.

La nuit, elle ira roupiller dans sa chambre en ayant soin de refermer la porte grâce à un petit coquillage qui en bloquera l’accès. La marionnette ne sortira de son trou que pour trouver des matériaux de construction ou pour aller chasser. Elle se nourrit de petits invertébrés planctoniques qu’elle capture au-dessus de son terrier ou en pleine eau, à proximité. Pour cela, elle ne s’écarte guère de plus de 1,50 mètre de son logis et y retourne, vite fait bien fait, en cas de danger.

Il arrive que Guignolette accepte la présence d’une petite crevette dans son terrier. En revanche, elle déteste les petits gobies qui cherchent à squatter sa maison, elle les chasse et les met dehors manu militari. Elle surveille aussi son chantier car d’autres poissons plus grands, comme les matajuels, pourraient profiter d’un moment d’inattention pour lui dérober quelques matériaux dès qu’elle a le dos tourné, et ce afin de construire leur propre maison. Il s’en passe des choses sous l’eau, on n’a pas inventé les conflits de voisinage !

A la saison des amours, papa Guignol viendra parader devant sa Guignolette, elle le connait bien puisqu’il semble que ces poissons forment des couples stables. Toutefois, même en couple, chacun fait chambre à part, et même mieux, c’est chacun chez soi.

Guignol se présente à elle dans une position assez particulière, bien cambré, le torse bombé et la bouche ouverte… Cette dernière caractéristique casse un peu l’image du beau gosse, mais bon, à croire que la marionnette est impressionnée par la grande gueule de son Guignol de mec…

Guignolette va alors pondre plusieurs centaines d’œufs qui vont s’agglomérer pour former une espèce de balle de 1 cm de diamètre. Le mâle, dont la mâchoire peut tripler de volume (quand je vous disait qu’il avait une grande gueule, un vrai marseillais !), prend alors la semence dans sa bouche et l’emmène dans son terrier. Il ressortira les œufs régulièrement, bien à l’abri dans sa bouche, pour les ventiler et les faire pivoter afin de leur offrir un développement idéal.

Donc, si toutefois vous croisez une marionnette les joues gonflées, ce n’est pas qu’elle a une rage de dents, c’est simplement un mâle en train d’incuber les œufs dans sa bouche. Ces derniers changeront de couleur tout au long de l’incubation, passant du jaune à l’orange. Lorsqu’ils atteindront une couleur plus argentée, on pourra alors distinguer les yeux des embryons. Ils écloront au fond du terrier. Ce jour-là, Guignol aura pris soin de ne pas fermer l’entrée du tunnel avec un coquillage afin que les larves puissent entrer et sortir librement.

Deux à trois semaines plus tard, les alevins commenceront à construire leur tunnel et seront totalement autonome.

Dans les jours qui suivent l’éclosion des œufs, la femelle va pondre à nouveau, laissant finalement peu de répit à son Guignol unique et préféré.

Pour les aquariophiles (personne n’est parfait), vous pouvez mettre des marionnettes dans votre bocal. Toutefois, le Guignol est assez territorial, en cas de surpopulation, il n’hésitera pas à attaquer les autres Guignols afin de préserver son espace vital.

Morale de l’histoire, parce que Pâques approche :

La femelle du coucou va pondre ses œufs dans les pendules, c’est chouette !
Shakespeare a fait une Hamlet sans casser d’œufs, c’est pas bête !
Un guignol peut garder 100 œufs dans sa gueule sans problème, c’est pas un papa d’opérette !
Moralité, la vie est belle, faites des gosses… ou des omelettes !