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Salut les bulleux confinés !

Aujourd’hui, je vais vous parler de Solène la murène… Solène, on la trouve un peu partout dans toutes les mers du globe, elle fait partie de la grande famille des murénidés qui regroupe 200 sortes de bestioles. Ici, dans les Antilles, on en trouve plusieurs sortes : la murène tachetée, la murène verte, la murène dorée, la murène à gueule pavée…

Dans nos eaux caribéennes, elles peuvent mesurer jusqu’à 3 mètres de long (en général elle ne dépasse pas les 1m20 quand même). Solène la murène ne possède pas de nageoires pectorales et pelviennes, mais une seule dorsale et annale et sont enduite de mucus qui l’aide à se faufiler entre les anfractuosités rocheuses ou coralliennes. La murène verte, très commune ici, est enduite d’un mucus jaune qui lui donne sa couleur verte (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué…) qui possède aussi des propriétés toxiques qui détruisent les globules rouges de ses éventuels prédateurs.

En fait, je me demande si je vais arriver à vous convaincre qu’elle peut être sympa la Solène !

La légende veut que son nom vienne d’un riche romain, Licionus Murena, qui aurait eu pour animal de compagnie non pas une mais des centaines de murènes vivant dans de larges bassins. Les bestioles étaient apprivoisées et venaient manger dans sa main. Jusque là rien de bien étonnant, Solène peut très bien devenir très copine avec vous si vous lui apportez à becqueter régulièrement. Mais revenons à notre romain, qui en pinçait pour Solène… Licionus, comme tout bon riche romain de l’époque, avait des esclaves. Lorsqu’il n’était pas content de l’un d’entre eux, paf, il le poussait dans la fosse aux murènes pour qu’il s’y fasse dévorer…

Donc, depuis la nuit des temps, elle n’a pas bonne réputation la murène : est moche, n’y voit pas grand-chose, elle a une grande gueule, peut paraitre agressive et elle est gluante. Bon, ben avec ça, c’est pas très engageant ! En fait, c’est très sympa une murène, faut pas faire de délit de sale gueule ! Mon voisin par exemple a une tronche de pétoncle croisée avec un chiwawa, il est miro comme une taupe, il ouvre sa gueule dès que c’est possible, bon en revanche je ne sais pas s’il est gluant… tout ça pour dire qu’il n’est pas bien méchant mon voisin, voire très sympa ! (Et là, il y a tous mes voisins qui vont se poser des questions… mais de qui parle-t-elle donc ???)

Donc, oui elle a une sale gueule : elle vous regarde avec ses petits yeux sournois et ouvre régulièrement sa grande gueule comme si elle voulait vous croquer. En fait, il n’en est rien, si elle l’ouvre tout le temps, c’est juste pour faire fonctionner au mieux ses branchies, pas pour vous transformer en sushi. En revanche, c’est vrai, elle a une dentition effroyable, composée de deux séries de mâchoires. Beaucoup de poissons aspirent leur proie en entier, la Solène, elle, plante sa première rangée de dents crochues dans sa proie et se sert de sa seconde mâchoire pour emmener le tout dans son système digestif. En quelques fractions de secondes, elle peut avaler crustacés, poissons et charognes.

Solène chasse surtout la nuit, les plongeurs peuvent ainsi la croiser en pleine eau, elle est alors très belle et gracieuse, ondulant tel un serpent (mais si c’est beau un serpent… pffff) à la recherche de nourriture. En journée, elle se planque dans sa tanière et ne sort son museau que pour regarder si aucun prédateur ne pointe son nez. Depuis quelques années, les plongeurs se sont amusés à lui faire gouter le poisson lion, qui n’a rien à faire dans nos eaux et dévore tout ce qu’il trouve à se mettre sous la dent. En Guadeloupe par exemple, les plongeurs bouteille avaient pour consigne, jusqu’à il y a peu, de ne pas remonter à la surface les poissons lion pêchés à l’aide d’une foëne, mais de les présenter aux autres poissons susceptibles de devenir des prédateurs (pagres, murènes, etc). La murène devait ainsi apprendre à chasser le poisson lion, encore inconnu pour elle. Ah ça, elle l’a aimé le poisson lion, c’est un fait établi ! Si vous lui présentez une brochette de ce spécimen vivant ou mort au bout d’une flèche, elle va se jeter dessus et le décorer vite fait bien fait, faisant fi de ses épines venimeuses ! Oui mais, Solène est plutôt faignasse, et, à l’instar de son copain le pagre, elle a bien compris qu’attendre la venue du plongeur était beaucoup plus tranquille que de partir à la chasse aux poissons lion… De fait, on ne peut pas trop compter sur elle pour diminuer la population de ce poisson, à moins qu’il ne s’aventure à proximité.

Ah oui, j’ai oublié de vous dire, Solène a un odorat digne des grands nez de chez Chanel. Hé oui, les poissons « sentent » et la murène fait de cet avantage une arme puisque cela lui permet de repérer ses proies pourtant éloignées de plusieurs mètres. Elle a donc un atout supplémentaire aux humains, nous, il nous est impossible de sentir quoi que ce soit sous l’eau, et c’est tant mieux pour ceux qui puent des palmes (j’en connais !)

Bon, la murène, sous ses airs de vilain serpent pas beau, ne viendra jamais vous agresser, à moins que vous ne le cherchiez vraiment. Si elle se sent acculée et qu’elle n’a aucun moyen de fuir, oui, elle risque de vous croquer un doigt. Sa morsure est effroyablement douloureuse, ses dents incurvées ne vous permettront pas de retirer votre appendice sans y laisser quelques bons bouts de chair… Le réflexe veut en effet qu’on retire la main dès que l’on sent la morsure, il faudrait en fait enfoncer un peu plus le doigt dans sa gueule pour se défaire de ses dents crochues. Une fois les dégâts constatés, il ne faut pas hésiter à consulter un médecin, Solène a une dentition de vieille sorcière mangeuse de charognes, autant dire qu’il vaut mieux se blinder d’antibiotiques afin d’éviter une bonne septicémie. Toutefois, la murène fait son possible pour avoir une hygiène dentaire à peu près saine. Pour cela, elle emploie quelques crevettes nettoyeuses et autres petits labres qui viennent grignoter les déchets restés coincés entre ses petites dents aiguisées… Elle attend donc patiemment, la gueule ouverte, que ses amis aient fini de lui brosser les dents.

Voilà, voilà, voilà, l’histoire de Solène la murène, je ne suis pas sûre de vous avoir convaincu qu’elle est plutôt sympa mais tant pis, moi je l’aime bien Solène !

Morale de l’histoire :
Si tout comme Solène tu as la dentition d’une hyène, raison de plus pour rester en quarantaine.

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