Allez hop, aujourd’hui je vous parle d’oursin et on va l’appeler Gabin l’oursin, parce que Boursin l’oursin, c’était bien aussi, mais ça va vous embrouiller.

Dans les Antilles, on en trouve plein des oursins, 76 espèces peuplent nos fonds sous-marins, autant dire que je ne vais pas vous en faire la liste ! Je vais me contenter de vous parler de l’oursin blanc, que vous pouvez retrouver dans vos assiettes à une certaine période de l’année, de l’oursin magnifique, parce qu’il est… magnifique, et de l’oursin diadème, parce que vous avez peut être rencontré ce dernier de façon quelque peu… brutale… Du genre paf…. Aïe…pt… de b…de m….. que ça fait mal !!!

Tout d’abord vous dire que Gabin est un vieux schnock, un très vieux schnock même !!! Les oursins sont en effet apparus sur terre bien avant les dinosaures et peuplent à peu près toutes les mers du globe. Ce sont des animaux en forme de boule, ça, tout le monde le sait. En revanche saviez-vous qu’ils sont de la même famille que les étoiles de mer, les concombres de mer, (si si !) ou les gorgonocéphales, ces étranges animaux en forme de dentelle que l’on peut voir se déployer, la nuit, sous l’eau. Il s’agit de la famille des échinodermes.

La particularité de cette famille est la suivante : tout se répète 5 fois, c’est ce que l’on appelle une symétrie d’ordre 5, rangez vos cahiers, les maths, l’école, ce sera pour le 11 mai… ou pas. Par exemple, si vous ouvrez un oursin, vous verrez 5 tranches de gonades (organe reproducteur), si vous trouvez un squelette d’oursin des sables, vous y verrez un joli dessin ressemblant étrangement à une étoile de mer qui a… 5 branches.

Gabin en revanche, n’a pas 5 cerveaux, il n’en a même aucun, de là à dire qu’il a le QI d’un bulot cuit, il n’y a qu’un pas. En fait, pour faire simple, l’oursin n’a pas de tête, c’est une coquille (le test) plus ou moins aplatie, recouverte de radioles (les aiguilles qui piquent !) et de minuscules ventouses situées sur leurs pieds ambulacraires, planqués entre les piquants. C’est ce qui lui permet de s’accrocher tel Spidercochon au plafond.

Les oursins sont des invertébrés, ils n’ont pas d’yeux, sont munis d’une bouche et de dents, d’un système hydraulique intégré, d’un appareil reproducteur, d’un estomac, d’un intestin et d’un anus qu’ils portent sur le dessus de la coquille. C’est déjà pas mal non ?

Ah si, un truc curieux…Gabin a les pieds qui sentent… la lumière. Près de 200 000 capteurs lui permettent de voir, « Et l’oursin était dans la tombe et regardait Caïn ». Heuuu là je m’égare. Désolé, les effets secondaires du confinement sans doute…

Il a donc développé une grande sensibilité à la lumière et semble repérer la moindre ombre. Ainsi, pendant la journée, s’il capte une lumière trop forte, ses épines se mettent alors en mouvement et il va se cacher dans une faille du récif. Une expérience que vous pouvez faire avec un oursin magnifique ou un oursin diadème : approchez votre main très près des épines et faites la bouger lentement toujours très près… Vous allez voir que les épines suivent le mouvement de la main. Alors, évitez les jours de ressac important, parce que, dans ce cas, votre expérience virera vite à une expérience d’acuponcture un peu trash, voire à une crucifixion en règle.

L’autre particularité de l’oursin c’est que c’est une véritable machinerie hydraulique. Tout autour de sa bouche que l’on appelle la « lanterne d’Aristote », (tout ça parce qu’Aristote qui, n’ayant rien d’autre à faire, a regardé de près un gentil oursin et a trouvé que le renflement de sa bouche ressemblait à une lanterne… Ne m’en demandez pas plus, Aristote était un vieux grec, presqu’aussi vieux que les oursins, c’est vous dire), donc tout autour de la bouche de l’oursin, se trouvent 5 minuscules orifices qui véhiculent l’eau de mer au travers de 5 canaux aquifères (pour ceux qui n’avaient pas compris le coup de la symétrie d’ordre 5) et envoie cette eau dans les piquants et les ventouses (les podias). Une fois l’eau utilisée, elle est évacuée par 5 sorties se situant autour de son anus (bon, par contre in n’a qu’un trou de balle !). Toutes les ventouses ne servent pas à se déplacer, certaines l’aident juste à s’accrocher.

Gabin est un herbivore, il broute essentiellement des algues, ingurgitant par la même quelques micro-organismes mais aussi du sable. Les déjections des oursins forment de petits chapelets de perles grisâtres.

Vous qui mettez souvent la tête dans l’eau, vous savez que le « silence de la mer » est une grosse arnaque. En dehors des bruits dus à l’homme, des chercheurs, qui, comme Aristote, n’avaient rien d’autre à faire, ont posé des hydrophones auprès de différentes communautés d’oursins. Bilan des courses, le Gabin n’est pas un discret, d’abord il fait du bruit en marchant, ça grince, ça couine, ça fait un chahut pas possible. Mais en plus, vous ne l’inviterez pas à manger avec vous, il mange en faisant un bruit infernal, en fait quand il ferme sa lanterne ‘d’Aristote, ça va raisonner dans tout son squelette. Pensez à moi la prochaine fois que vous mettrez la tête sous l’eau et que vous entendrez plein de cliquetis.

Papa et maman oursin se ressemblent beaucoup, impossible de faire la différence entre un mâle et une femelle, du moins à l’œil nu. Ils se reproduisent en pleine eau, de manière gonochronique : mâles et femelles rejettent en même temps leurs gamètes (sperme et ovules). Afin d’augmenter les chances de fécondation, Gabin envoie un signal chimique odorant qui prévient ses ami(e)s, tout le monde s’y met et rejette ses gamètes afin d’augmenter les chances de fécondation. Comme quoi, notre grand poète Renaud avait raison, « la mer, c’est dégueulasse, les poissons baisent dedans », mais pas qu’eux !

La période de reproduction semble liée au calendrier lunaire et intervient au moment où la température de l’eau est la plus chaude.

C’est en pleine eau que les œufs vont se féconder et se développer, si toutefois ils ne se font pas croquer par quelques gourmands prédateurs. Les larves qui naitront ressemblent à de petites tours Eiffel qui flotteront pendant plusieurs semaines entre deux eaux, se dispersant au gré des courants et se nourrissant de phytoplancton. Viendra un jour ou les larves se laisseront couler… et là, en à peu près une heure, la larve va devenir oursin, avec une carapace constituée de 5 plaques, une bouche, un trou de balle et tout le tralala… Il aura donc sa forme définitive mais continuera de grossir tout au long de sa vie. Au fil du temps, l’oursin aura de moins en moins de prédateurs, mais pourra toutefois se faire croquer par quelques poissons chirurgien, des crabes voraces, etc. Les balistes par exemple, ont une technique spéciale pour la capture d’oursin, ils soufflent dessus pour les retourner et paf, ils les mangent en commençant par leur bouche, logique, ça pique moins.

L’oursin peut vivre jusqu’à 20 ans, voire plus pour les oursins vivant en eau froide, qui peuvent vivre plus de 100 ans. Ils sont bizarres ces oursins, ils ne semblent pas vieillir, à croire que l’absence de cerveau leur permet de ne pas se poser de question et de se laisser vivre tranquillou tranquillou. Le Gabin passe donc sa vie à brouter, il se reproduit toute sa vie et ne semble pas mourir de vieillesse. Un mystère ! Il passe l’arme à gauche que s’il est mangé par un prédateur, s’il est pêché ou s’il est atteint de maladie. En 1983, une épidémie d’origine mystérieuse décima la population d’oursins diadèmes dans des proportions extraordinaires : plus de 97 % des individus périrent en quelques mois. Peut-être est ce dû à la rencontre malencontreuse d’un oursin avec un pangolin… L’épidémie ne dura pas, et les oursins recommencèrent à se multiplier dès l’année suivante, mais ils n’avaient toujours pas atteint leur population habituelle en 2006.

Et chez nous alors ????

Ici, l’oursin blanc est appelé « chadron », il peut atteindre 15 cm de diamètre et est recouvert de piquants courts de couleur blanche. On le trouve souvent dans les herbiers ou à proximité d’éponges. L’oursin blanc est une espèce protégée, son plus grand prédateur étant l’homme. L’oursin est très important pour la survie de l’écosystème de nos eaux, sa disparition entrainerait une surpopulation d’algues qui viendraient étouffer les coraux. C’est pour cette raison qu’il fait l’objet d’une pêche très règlementée. Chaque année, l’ouverture de la pêche aux oursins est décidée par arrêté préfectoral, elle ne dure que quelques jours, 6 à 10 en général. Ces jours-là, seuls les pêcheurs professionnels peuvent le sortir de l’eau, en apnée. De gros tas d’oursins s’amoncellent alors sur les fronts de mer, et toute la famille se retrouve pour la préparation de ce qu’on appelle ici le caviar des Antilles. Il faut vider l’oursin, récupérer les organes génitaux, laver et sécher la coquille et la remplir à nouveau avec les œufs. Un petit tour sur la braise du barbecue et hop, miam miam ! Vous avez noté au passage, que ce que l’on mange, ben ce sont les organes génitaux hein…

En 2018, quatorze tonnes d’œufs d’oursins blancs ont été pêchés en Martinique. Sachez qu’une tête d’oursin se vend quand même entre 20 et 30 euros… quand on vous dit que c’est un met de luxe ! La première fois que je suis partie en acheter pour Eric, je pensais revenir avec une douzaine d’oursins, comme en méditerranée quoi… bon ben j’en ai acheté un, et je lui ai demandé d’y aller doucement et de l’apprécier celui-là… Voila donc pour l’oursin blanc…

L’oursin magnifique se trouve aussi dans nos eaux caribéennes, il se caractérise par sa coupe déstructurée, ses épines sont de différentes longueurs et très fines, je connaissais les punks à chien, voici le punk d’eau de mer… Sensible à la lumière, il se planque dans des anfractuosités en journée, on peut le rencontrer la nuit, lorsqu’il part chasser. Pour cela, il se déplace de manière saccadée, avançant grâce à ses épines plus ou moins longues. On pourrait penser qu’il ne marche pas vite, et pourtant, on a pu voir un crabe l’attaquer et le courser sans jamais pouvoir le rattraper, tout juste lui a-t-il taillé quelques épines au carré.

L’oursin diadème, quant à lui, se niche dans les failles des récifs coralliens, dans les herbiers et sur les rochers. Il se caractérise par des épines exceptionnellement longues (jusqu’à 30cm), creuses et fragiles, de couleur noire, quelquefois grises. Le diamètre total de l’animal adulte, épines incluses, peut approcher les 50 centimètres ! Ces épines transpercent facilement la peau et se cassent facilement. Cela peut causer des blessures douloureuses qui, du fait de bactéries, s’infectent souvent.

Le mucus qui recouvre ces épines contient d’ailleurs un poison léger qui permet d’éliminer les animaux qui voudraient élire domicile au milieu des épines ou de décourager les petits prédateurs. Ce mucus toxique n’a toutefois pas d’effet sur l’homme si ce n’est une sensation de brûlure ponctuelle et un gonflement possible.

En cas de piqure, surtout n’essayez pas de retirer les épines plantées dans votre peau toute délicate : vous risqueriez de les casser en tout petits morceaux. Choisissez plutôt la méthode douce, une compresse avec de l’eau de javel ou du dakin pour éviter l’infection ou un cataplasme de jus de citron ou de vinaigre pour dissoudre l’épine, qui se désagrègera dans la nuit. Si la douleur est trop importante ou en cas d’infection, n’hésitez pas à consulter un médecin.
L’oursin diadème n’est pas comestible, il peut être toxique en période de reproduction car des zootoxines sont présentes dans sa chair.

Hébé, je pensais ne pas avoir à dire grand chose sur Gabin, mais finalement j’ai appris plein de choses sur lui !

Moralité : Si t’as le QI d’un bulot nain, tu peux toujours te faire pousser des épines pour faire le malin..
Gare à toi quand même si tu croises un barbecue, tu risques de finir ta vie dessus !